A l’occasion du triple jubilé de saint Thomas d’Aquin (canonisé en 1323 et institué Docteur universel de l’Eglise par Pie XI en 1923), le groupe scolaire a eu la grande grâce d’accueillir et de vénérer le chef du saint.
Trois années pour célébrer la canonisation (1323), dont 2023 sera le VIIe centenaire, la mort (1274), dont 2024 sera les 750 ans, la naissance (1225), dont 2025 sera le VIIIe centenaire.
Le groupe scolaire a eu la grande grâce de recevoir une relique insigne, le chef de saint Thomas d’Aquin que les dominicains de la Province de Toulouse nous donnent la grâce de vénérer à l’occasion de plusieurs anniversaires (sa canonisation, sa naissance et sa mort : 1323 – 2023 ; 1274 – 2024 ; 1225 – 2025).
La relique, reçue au début du mois de janvier par le diocèse de Versailles, a passé toute la journée du mardi 9 janvier à l’école.
La Tradition de l’Eglise vénère depuis toujours les restes des saints, par lesquelles Dieu continue d’agir pour notre sanctification. Nous avons donc donné à tous nos élèves, du primaire au secondaire la possibilité de la voir et de recevoir les bienfaits de son exposition, en faisant passer solennellement la relique en procession dans chaque bâtiment.
Ce fut pour nous l’occasion de demander au Docteur commun de l’Eglise, les grâces de studiosité, de persévérance et d’amour de la Vérité.
La vénération de ce saint s’inscrit parfaitement également dans notre année dédiée à la Sainte Eucharistie pour laquelle Saint Thomas d’Aquin fut le grand apôtre notamment par la composition de l’office et de la Messe de la Fête-Dieu.
Vous trouverez dans ce message la description de la journée.
Toutes les classes se sont réunies dans leur cour de récréation lorsque la relique est passée dans leur bâtiment.
L’après-midi fut consacrée à la vénération de la relique par les élèves, les familles et tous ceux qui le souhaitaient, dans la grande chapelle du bâtiment Saint-Jean-Bosco.
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Voici le panéryrique prononcé à cette occasion :
Panégyrique de saint Thomas d’Aquin
Nous voici en Italie au cœur du XIIIe siècle, à mi-chemin entre Rome et Naples, sur la colline florissante de la noble abbaye bénédictine du Mont-Cassin, dont les moines viennent d’être expulsés par l’empereur Frédéric II en conflit avec le pape. À quelques lieux, sur un pic rocheux des Apennins couronné par le château de Roche-Sèche, le comte Landolphe d’Aquin se réjouit. Belle aubaine pour ses affaires : son septième fils, le jeune Thomas, oblat depuis l’enfance, semble rétif au métier de gentilhomme. Il se veut moine et prétend à l’étude : il deviendra Père Abbé du Mont-Cassin. Ainsi il défendra les intérêts familiaux dans le monde clérical et fera honneur à ses nom et rang. C’est là que le destin de saint Thomas bascule : devant cette perspective le jeune homme reste de marbre et – fait exceptionnel – refuse. Car depuis quelques années a retenti du fond des terres espagnoles le cri d’une âme embrasée par le feu de l’apostolat : « Ma Miséricorde ! Que vont devenir les pécheurs ? » Thomas d’Aquin héritier d’une noble et illustre lignée de comtes napolitains se trouve placé devant un choix à faire : d’un côté l’allée du monastère qui le conduira au siège de père abbé, de l’autre l’appel de tous nouveaux ordres créés il y a quelques décennies à l’instigation d’un frère italien, François d’Assise, et d’un moine espagnol, Dominique de Guzman : les ordres des frères mendiants. Thomas choisit la pauvreté. Sans doute ignorait-il alors, qu’à la suite du chien qui enflammerait la terre, il deviendrait le héraut du Verbe fait chair.
S’étant mis aux ordres du général des Dominicains, Thomas est envoyé à Paris. Alors qu’il chevauche en compagnie d’autres prêcheurs voilà que fondent sur lui deux diables enragés qui le saisissent, le déchaussent de sa monture, le font enfermer dans le château familial – il s’agissait de ses frères – pour l’empêcher d’en salir la réputation en devenant un simple moine prêcheur. Prisonnier, Thomas ne se départit ni de son calme ni de sa résolution et se met à l’étude, décidé à vaincre par sa patience obstinée la colère familiale. Mais voilà que ses frères introduisent dans sa chambre une femme, en vue de le tenter. Pris de colère devant cette bassesse destinée à le faire manquer à la chasteté, Thomas se saisit dans la cheminée d’un tison ardent et le lève comme un glaive de feu devant la jeune femme qui hurle de frayeur et s’enfuit en courant. Alors, se jetant sur la porte, Thomas la ferme, la verrouille et enfonce son tison dans ce bois salvateur y traçant, comme on se croise, le signe de la croix. Ce signe, plus personne n’eût alors jamais l’audace de le profaner et le vice rendit les armes à la vertu : Thomas pourrait être dominicain.
Dans cette vie monastique, animée par la prière, l’étude et la contemplation, nombre de vertus purent alors fleurir et diffuser leur parfum.
L’humilité : le jeune dominicain retourna bientôt à Paris, où se déroula l’essentiel de son existence, entre la rue Saint Jacques, et la bouillonnante université de la Sorbonne, où se déployait l’essentiel de la recherche intellectuelle, philosophique et théologique du siècle. Il y suivit avec passion les cours d’un maître dominicain : Albert le Souabe, plus connu sous le nom de saint Albert le Grand qu’il accompagna un temps à Cologne. Là, discret, silencieux, physiquement gauche, Thomas se nourrissait intérieurement des lumières de son maître, tandis que son aspect extérieur tenait tant à celui du pachyderme ruminant que ses camarades confondant silence et bêtise le surnommèrent bientôt le « Bœuf muet » – ce qui ne troubla pas notre saint. Un jour, un camarade plus prévenant et en quête de bonne action, vint lui offrir ses services afin de lui expliquer des notions de logique ardues. Désireux de ne pas l’embarrasser, Thomas accepta et se fit expliquer une leçon sans mot dire… jusqu’à ce que le professeur en herbe vînt lui-même à buter sur un point de difficulté. Alors Thomas aimablement, lui montra comment débrouiller la situation, à la grande surprise de son bienfaiteur sidéré.
Si Thomas aimait l’humilité, elle se réalisait en lui par l’amour de la vérité et l’obéissance. C’est ainsi que nous le retrouvons quelques années plus tard. Alors installé à Paris, il se consacrait nuit et jour à la recherche philosophique, afin d’arracher les âmes au risque de l’hérésie et de conduire les intelligences à la connaissance de Dieu d’où naît toute béatitude. Invité à la table des puissants curieux de connaître celui dont la renommée se répandait à travers les cités, Thomas refusait toujours, non par incivilité, mais pour ne pas se laisser distraire de son étude par laquelle il honorait Dieu. Lorsqu’il fut invité par le roi Louis IX en personne, ses supérieurs lui intimèrent l’ordre de s’y rendre. Par esprit d’obéissance voici donc Thomas attablé avec la fine fleur de la chevalerie française, entouré d’écus, de blasons, de couleurs vives et chatoyantes, dans le fracas des verres qui se choquent et des langues déliées par le vin coulant généreusement. Tandis qu’un moment la conversation s’apaise, Thomas semble perdu dans ses pensées lorsque soudain son énorme poing jaillit et s’abat bruyamment sur la table royale, faisant bondir les assiettes et sauter les convives. « Voilà qui fera taire les manichéens ! » s’exclame une voix tonitruante et ravie. La stupeur fit place à la colère devant ce qui pouvait être une offense cinglante faite à la majesté royale. Mais lorsque deux saints se rencontrent, la bienséance revêt de nouveaux atours. Alors que les chevaliers s’apprêtent à expulser militairement cet insolent importun, Saint Louis fait appeler ses secrétaires : « Rendez-vous avec vos tablettes aux côtés de mon hôte, leur dit-il, et prenez note sur le champ de l’argument qu’il vient de trouver. Il doit être fameux et ce serait bien dommage qu’il l’oubliât ! »
La courtoisie : au cœur de son existence, saint Thomas eut une activité épistolaire intense, en raison des multiples questions qu’il recevait. Il s’attachait à répondre à chacun d’elle, avec patience et rigueur, aux profondes comme aux plus naïves. Un homme lui demanda un jour si le nom de tous les bienheureux était affiché sur une banderole au fronton du Paradis : « Autant que je sache, ce n’est pas le cas, lui répondit le philosophe. Mais il n’y a aucun mal à le supposer. »
La piété et le détachement : le moine Thomas vivait d’une vie intérieure si profonde, si discrète, si cachée qu’elle fut l’occasion d’un dialogue de son vivant avec son Créateur. Certains docteurs de la Sorbonne lui avaient un jour demandé d’éclairer la question du changement opéré dans les espèces du Saint-Sacrement, de pain devenu Corps du Christ. Thomas s’était attelé à la tâche, plongé avec rigueur, piété et prière pour éclairer autant que faire ce peut la nature de ce changement mystérieux. Conscient du poids de sa responsabilité et de la gravité de son jugement, le voici qui, son œuvre achevée, se rendit à l’Église et, plein de foi et de piété, déposa sur l’autel, au pied du Crucifix, le fruit de son travail. Tombant alors à genoux, il semblait attendre le jugement de Dieu, lorsque le Christ se détacha de sa Croix et, se dressant au-dessus du parchemin, rassura le théologien inquiet : « Thomas, tu as bien parlé du Sacrement de mon Corps. »
Telle était la vie de Saint Thomas, une traversée de moments humains au cours desquels sa pensée poursuivait son travail et sa mission, dans la contemplation constante de son Divin Maître. C’est pourquoi, cette âme immense fut avant tout un bâtisseur de cathédrale. Fils de l’Église, saint Thomas sait que son intelligence est au service de Dieu. Homme du XIIIe sc, il se trouve placé au moment précis de l’histoire où la pensée occidentale va connaître un basculement : alors que l’hérésie manichéenne fait rage dans le sud de l’Europe, la théologie chrétienne, portée principalement par les Augustiniens, peine à formuler la juste réponse aux relations de l’âme et du corps, à la valeur du monde créé en tant que monde matériel, à la distinction de l’ordre du spirituel et du temporel. Nourrie de philosophie platonicienne, la foi chrétienne connaît la tentation de l’idéalisme. Et voici que des contrées lointaines, apportés par les chameaux des pays arabes et véhiculés dans les bibliothèques musulmanes, ressurgissent du fond des âges les textes d’un antique philosophe païen du IVe sc : le grec Aristote. Stupeur pour les pays chrétiens, scandale pour certains clercs : que pourrait-on trouver de bon chez un païen qui n’a pas été assaini par un Père de l’Église ?
En travaillant les œuvres d’Aristote, saint Thomas y découvre pourtant une lumière éblouissante : voilà qu’apparaissent les concepts, les intuitions, les définitions, les démonstrations, les syllogismes…le génie et la clarté du regard de l’intelligence la plus brillante du monde pré-chrétien, qui a su découvrir l’union intrinsèque de la matière et de la forme, de l’âme et du corps, le rôle des sens dans la connaissance, la primauté de la justice sur le droit, le lien de l’amitié dans la cité politique, l’appel de tous les hommes à la recherche de la vérité, la dignité, la grandeur et la beauté du monde, animé par ses causes, en mouvement vers sa finalité.
Comment mieux glorifier le Dieu du Verbe et de l’Incarnation qu’en manifestant la capacité de l’intelligence à recevoir, formuler, comprendre les beautés cachées dans la création ? Saint Thomas fut un bâtisseur de cathédrale : page après page, idée après idée, preuve après preuve, il fonda, ordonna, construisit, bâtit le plus grandiose édifice du savoir où se rejoignent, en croisées d’ogives, la philosophie antique et la pensée chrétienne pour culminer dans la flèche de la Révélation. Saint Thomas donna à l’Église un monument dans lequel chaque réalité est ordonnée selon son rang et sa fin formant une hiérarchie des libertés ; où la vérité, reconnue comme unique, absolue et universelle, se rend accessible par deux voies distinctes : celle de la Foi et celle de la raison ; où le monde des choses et des corps trouve sa dignité propre parce qu’ils sont animés de la joie créatrice de Dieu et rachetés par la Résurrection de son Fils ; où l’intelligence est si orientée à Dieu qu’elle est capable de déterminer rationnellement les « voies » qui mènent à la certitude de son existence ; où chaque créature est glorifiée dans son ordre parce que, par la grâce de Dieu, elle rend hommage au Créateur, dans la joie d’une vie tendue vers la béatitude.
Ainsi se déploya cet immense intellect dans la lumière de l’étude, la sérénité de la prière, l’humilité de la recherche, pour offrir aux hommes les paroles qui lui révèlent la beauté et la grandeur du monde créé, issu, orienté et en mouvement vers Dieu dont il est issu. Rien ne nous interdit alors d’imaginer l’entrée au ciel de saint Thomas, après qu’il eut rendu son dernier souffle à Celui qu’il avait tant aimé.
Conduit par son ange, le voici aux portes du Paradis. Sur le côté, trois hiérarchies d’anges dont il a précisé la nature élèvent un chant de remerciement. À droite se tient son père, saint Dominique, plein d’émotion devant ce fruit béni de sa fondation. À ses côtés, saint Albert-le-Grand, empli de la juste fierté du maître que l’élève a dépassé. Entre eux, sans doute, est placé le Noûs, Aristote lui-même, regardant avec une gratitude et une joie infinie celui qui, en le conduisant aux fonds baptismaux, lui a ouvert les portes du ciel. De l’autre côté voici la Sainte Vierge qui l’enveloppe d’un regard maternel en ouvrant son grand manteau où scintillent les noms de tous les saints dominicains destinés à essaimer à travers le monde la parole de vérité. Et au milieu, voici Notre Seigneur Jésus-Christ qui, lui ouvrant largement les bras, lui offre son Sacré Cœur brûlant d’amour en disant dans un sourire : « Tu as bien parlé de moi Thomas ». Tombant à genoux et levant alors les yeux sur son Créateur et Sauveur, des lèvres de Saint Thomas durent s’envoler, bien malgré lui, ses propres mots, nés de l’union de sa plume au cœur du Verbe fait chair : « Pange, lingua, gloriosi, Corporis mysterium. » « Chante, ô ma langue, le mystère de ce corps très glorieux et de ce sang si précieux, que le Roi des nations, issu d’une noble lignée, versa pour le prix de ce monde. »