Savoir pour contempler !
Il est toujours bon de remettre nos actions, quotidiennes ou extraordinaires, dans la lumière de la finalité qu’elles poursuivent. L’école est certes le lieu de l’apprentissage, les professeurs y enseignent, les élèves y étudient. Mais cet apprentissage, pour quoi est-il souhaité ? Quel est le but du savoir et des études qui y mènent ?
Le monde répondrait sans doute l’argent ou la richesse, une réussite matérielle ; mais c’est une vue bien courte. Les richesses naturelles – aliments, vêtements, moyens de transport, maisons – nous servent à subvenir à nos besoins. Elles sont nécessaires mais ne peuvent être le but du savoir parce qu’on ne les recherche que pour le soutien qu’elles nous apportent ; ce ne sont pas des buts en eux-mêmes. Au contraire, elles sont ordonnées à l’homme comme à leur propre fin. Quant à l’argent, il n’est qu’un moyen que nous avons créé pour faciliter les échanges de richesses naturelles. Il n’est donc pas plus un but pour l’étude qui est l’activité de l’intelligence, c’est-à-dire de la meilleure part de l’homme. Par l’étude, il ne s’agit ni de survivre, ni de vivre décemment, ni même de vivre bien. Il s’agit de vivre intelligemment, humainement. Le but du savoir n’est donc pas l’argent.
De manière plus logique et tout aussi pragmatique, le but des études pourrait être de préparer les élèves à leur future profession. Au fond, on étudie pour avoir un bon métier plus tard. Cette vision-là, pertinente semble-t-il, est sans doute à l’origine d’une spécialisation précoce. Le poids des séries du Baccalauréat, leur prétendue hiérarchie sont connus. Les élèves rentrent volontiers dans ce schéma confortable. Combien, dès la seconde, choisissent leurs matières et ne s’investissent que dans des disciplines ciblées ?
D’ailleurs, on trouve assez normale une telle spécialisation car elle semble la conséquence logique de ce que l’on sait être le moteur de tout enseignement réussi : l’intérêt de l’élève. Selon son intérêt, ses intérêts dans le meilleur des cas, il apprendra mieux, se donnera les moyens de réussir et pourra ainsi faire ce qu’il aime. On part du principe que l’intérêt de l’élève est non seulement antérieur à sa formation scolaire mais, en plus, qu’il est déjà déterminé. Au mieux, on fera contre mauvaise fortune bon cœur. Et, chrétien, on se dira qu’il faut quand même écouter ces cours inintéressants, parce qu’il faut être gentil avec le prof. Mais ce qui nous motive, c’est d’être, plus tard, un bon professionnel qui a une bonne profession. On se prépare à être heureux, demain, l’année prochaine. Les études devraient servir à nous donner les moyens d’accéder au bonheur.
Non seulement heureux, mais encore actifs dans la cité, puisque nous sommes appelés à faire la vérité dans la charité. Ce n’est pas que pour soi qu’il s’agit de se préparer à être heureux plus tard ; il convient de recevoir les armes pour transformer le monde à la manière d’un ferment. Faire des études, savoir : tout cela va nous permettre d’être actif dans la société politique. Savoir pour passer à l’action et œuvrer à l’avènement de la cité catholique. Le combat contre les structures de péché demande que l’on soit bien formé. Travailler activement à l’avènement de la royauté sociale du Christ semble un excellent but pour les études.
Les élèves eux-mêmes trouveront sans doute cela très beau quoiqu’un peu théorique. Ils savent qu’un combat est à mener, mais ils n’ont pas encore pu expérimenter le lien entre leurs cours et ce militantisme. En revanche, leur expérience quotidienne leur parle d’eux. Étudier pour être utile aux autres, c’est bien ; mais la plupart vivent leurs études dans une perspective plus simple, avec la conscience plus ou moins confuse qu’ils sont censés être les premiers bénéficiaires de cette formation. C’est eux-mêmes qu’ils perfectionnent dans leurs études. La tendance existe, alors, de se rechercher soi : on étudie parce que cela nous fatigue, nous stimule, nous récompense aussi et parfois nous déçoit. Dans l’étude, on peut trouver les occasions de se persuader qu’on existe. Ainsi égocentré, on peut chercher le savoir avec un terrible orgueil qui ne dit pas son nom mais qui se traduit dans des comparaisons ou des compétitions.
On pressent que quelque chose ne convient pas ; mais peut-on faire autrement face à tant de matières, d’exercices et de travaux ? La multiplicité a toujours pour principe l’unité. Et à moins de ne vivre éclaté, les élèves veulent cette unité que, sans alternative convenable, ils trouvent en eux-mêmes. C’est moi qui étudie, moi qui réussis… Quel manque d’humilité, dira-t-on ! Est-on alors condamné à choisir entre la dispersion et l’orgueil ? N’y a-t-il pas un autre but à chercher pour les études ? Poser la question, c’est se demander si ces chères études peuvent être autre chose qu’une souffrance, ou avoir un autre goût que l’amertume. La vraie question est celle-ci : le savoir, et les études qui y mènent, peuvent-ils aller dans le sens de nos aspirations les plus profondes ? Où trouver le principe qui nous permettra d’unifier notre vie intellectuelle et, avec elle, toute notre vie ?
La question du but des études est bien la question du but du savoir. Le passage du pluriel – les études – au singulier – le savoir – est révélateur. En considérant l’emploi du temps d’un élève, c’est la multiplicité, pour ne pas dire la disparité qui saute aux yeux. Il faut étudier des disciplines nombreuses et variées, et pousser l’étude jusqu’à un certain niveau de technicité puisque tout ceci est censé nous servir, nous préparer à l’activité professionnelle et à une certaine réussite sociale. Cette finalité pratique conduit inévitablement à une dispersion, à l’éclatement de la vie intellectuelle qu’on évoquait. Et une telle division est mauvaise car elle nuit à l’unité de notre vie intérieure et extérieure. Chercher le but des études, c’est donc certainement chercher l’unique but du savoir, c’est-à-dire le principe d’unité de toute notre vie intellectuelle.
Or la foi catholique nous apporte à ce sujet une lumière précieuse. Au bout du compte, toutes les disciplines doivent être étudiées, non pas dans une visée pratique ou technique, mais dans le but contemplatif de connaître la Vérité par excellence qui est Jésus-Christ. En retour, c’est à la lumière de la foi que chaque élément trouve sa place, sa cohérence et sa nécessité dans l’ensemble du programme de formation. C’est de l’Église qui enseigne les vérités de la foi que les fidèles reçoivent la libération des erreurs. Ce magistère de l’Église est irremplaçable. Mais ce n’est pas parce que l’on est chrétien que l’on cherche à connaître la vérité, c’est parce qu’on est homme. En cela, les chrétiens ne font pas quoi que ce soit en plus, ils font en mieux, aidés par la grâce. Or c’est tout homme qui, en raison même de ce qu’il est, aime, désire et espère connaître la vérité.
En effet, l’homme est par nature un animal raisonnable. C’est pourquoi la vie de la raison, la vie intellectuelle est pour lui la vie par excellence. Cette vie consiste en l’art et la manière de satisfaire le désir le plus fondamental qui habite son cœur, le désir de connaître avec certitude la vérité sur le monde qui l’entoure. Ce monde ordonné, complexe, qu’il n’a pas fait, il veut que son intelligence s’y conforme.
Ce désir est naturel. De fait, chaque fois que nous connaissons quelque chose, sensiblement ou intellectuellement, naît en nous un certain plaisir. Nous aimons connaître, voir, savoir puisque, lorsque nous avons quitté cette haïssable ignorance, nous éprouvons un certain épanouissement du simple fait que nous sommes en possession de ce que nous désirions.
Il s’agit du désir naturel de la meilleure part de l’homme. C’est par son intelligence que l’homme peut, d’une certaine manière, devenir toute chose. Parce qu’elle est capable d’abstraction, il peut connaître la nature des choses, et il les fait pour ainsi dire exister en lui. On pourrait même dire qu’il réunit en son intelligence les perfections dispersées dans l’univers. C’est par son intelligence qu’il comprend l’univers qui pourtant le comprend.
C’est par son intelligence, nous enseigne la Foi, que l’homme est à l’image et à la ressemblance de Dieu. L’homme a été créé par Dieu pour contempler, et pour le contempler, pour se servir de son intelligence à pleine puissance. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu par son intelligence, il est appelé à ne pas laisser inactif le don reçu. S’interroger, chercher, découvrir, apprendre, argumenter, répondre à nos questions : toutes ces activités rationnelles sont une immense action de grâces. Ce qui faisait dire au P. Sertillanges que l’étude « est un office divin en reflet ».
Il s’agit du désir de savoir, c’est-à-dire d’avoir une connaissance certaine : connaître ce que sont les choses, savoir pourquoi elles sont comme elles sont – connaître leurs causes, jusqu’à la cause première « qui est ce que tous appellent Dieu ». Or une telle connaissance, parce qu’elle porte sur un objet nécessaire est par définition pérenne. Et comme on ne peut prétendre épuiser la connaissance des causes de toutes choses, encore moins la connaissance de la cause première, ce savoir comble toutes nos attentes, les plus pures, les plus profondes, les plus humbles aussi : il ne s’agit pas de contrôler, mais de recevoir le réel tel qu’il est. Et voilà : une activité qui nous permet de satisfaire de manière durable nos attentes les plus hautes porte un nom, c’est le bonheur. La finalité de toute l’activité intellectuelle, c’est la connaissance du monde qui nous entoure à la lumière de la cause première de l’univers ; c’est même la connaissance de cette cause première elle-même qui est la source et la fin de toute chose, le principe de l’unité du monde. Par nature, l’homme trouve son bonheur dans la vie contemplative.
Cela heurtera sans doute la sensibilité contemporaine. Le bonheur consiste dans la perfection de la vie intellectuelle ? Mais, non, le bonheur, c’est le loisir ! Certes, mais c’est toujours avec une certaine surprise que l’on découvre que, en grec, « loisir » se dit skholè. le temps de l’école est le temps du loisir par excellence, un temps désirable par-dessus tout. Nous ne travaillons que pour avoir du loisir. La vie professionnelle est une in-oisiveté : neg–otium en latin qui a évidemment donné le négoce, l’ensemble des affaires humaines liées au travail, qu’il soit agricole, militaire, économique, financier ou domestique. Le négoce est en vue du loisir ; le travail n’est pas une fin en lui-même.
Le temps du loisir en question n’est pas pour autant celui de l’inactivité. Il est seulement celui de l’activité libérale. Le temps du loisir est caractérisé par sa liberté, sa gratuité et son indépendance. Même s’il ne transforme pas la matière, il y a bien un travail intellectuel qui est la préparation rationnelle à la contemplation. La raison de l’homme, c’est l’intelligence en mouvement : elle n’est pas intuitive mais progresse d’étape en étape dans sa quête de l’essence et des causes des choses. Ce n’est que par ce travail raisonnable que l’intelligence pourra effectivement se reposer dans la vérité enfin saisie. Mais cette quête rationnelle ne doit pas être considérée au même titre que les labours, la maçonnerie ou l’enseignement. Même si elle peut être collective – comme à l’école –, sa finalité est intérieure à l’âme de l’homme qui veut savoir. Les autres travaux sont nécessaires pour la survie, voire la bonne vie de l’homme ; mais la recherche rationnelle est, quant à elle, nécessaire à la contemplation, en raison même de la limite naturelle de notre intelligence. C’est donc une étape en vue de la connaissance spéculative : connaître pour connaître, parce que c’est intéressant. Cette activité est voulue pour elle-même et se suffit à elle-même. La contemplation, c’est ce simple regard par lequel l’intelligence de l’homme entre pour ainsi dire en possession de ce qu’elle connaît – par excellence, Dieu. La perfection de l’homme est atteinte dans cette activité même. Le travail de la raison est préparatoire à la contemplation qui, en elle-même, est une activité de loisir qui est un repos : dans la contemplation, la vérité est atteinte et pour ainsi dire possédée. Ainsi, le but des études, c’est le bonheur parce que le but du savoir, c’est le savoir lui-même. Il n’est pas voulu en vue d’autre chose, ni pour ce qu’il va permettre. Il est voulu en lui-même comme perfection de l’intelligence, comme accomplissement de la meilleure part de l’homme.
Mais comme face à n’importe quel but magnifique, la question qu’il faut se poser est celle des moyens à mettre en œuvre.
La vertu de studiosité. Pour réussir leur vie intellectuelle, la rendre féconde, les élèves ont besoin de développer cette vertu qui relève un peu du courage et beaucoup de la tempérance. D’une part, l’homme est spontanément paresseux. Spontanément, travailler ne lui dit pas grand-chose. Et les élèves ont l’impression qu’il y a tellement mieux à faire ! En outre le travail est synonyme de labeur : c’est exigeant, difficile, pénible. Voilà pourquoi nous avons besoin de développer un courage, une force : notre volonté doit acquérir cette véhémence de tenir bon dans la ferme intention d’apprendre pour savoir et maîtriser les connaissances. L’étude est le lieu d’un courage, humble, discret, mais réel. La négligence menace toujours : il faut l’affronter pour atteindre ce but par excellence qu’est le savoir. Les élèves auront longtemps à lutter contre la tentation de se contenter du minimum, surtout si des notes acceptables sont au rendez-vous. On doit se faire violence pour étudier, tout en se rappelant que l’on étudie pour savoir. Les élèves doivent s’arracher à leurs pesanteurs, à leurs satisfactions immédiates. Il y a un courage de l’étude qui demande une ascèse, une discipline régulière et minutieuse, un effort personnel. Le travail en étude est un travail individuel : chacun doit gravir la montagne, sans chercher de prétexte. Le courage qu’est la studiosité s’acquiert dans le silence, dans la régularité, dans la fidélité et dans une certaine solitude.
Plus fondamentalement, la studiosité protège contre le vice de la mauvaise curiosité. Celle-ci s’explique : par nature, notre intelligence a le désir de tout connaître. Rien n’est plus facile que de s’éparpiller, de papillonner. L’homme a besoin de rectifier son désir de connaissance. La studiosité le fait travailler et étudier de façon humaine et chrétienne. Elle modère son attirance sensible pour la connaissance de choses superflues et l’oriente vers la connaissance des réalités les plus dignes : il est meilleur de passer du temps sur sa leçon d’histoire que dans des bandes dessinées.
Les enseignants comme les parents ont leur part dans l’acquisition de cette vertu. Cela commence par la lutte contre cette opinion fortement ancrée dans l’inconscient collectif : nous ne pouvons travailler que quelque chose qui nous intéresse. Le propos est ambigu. Bien sûr l’intérêt, la saisie de la dignité voire de l’utilité d’une discipline est nécessaire pour que l’on soit bienveillant et un bon disciple. Mais on se leurre si l’on identifie cet intérêt intellectuel avec une inclination émotive, donc sensible, pour la discipline. Combien les élèves sont rapides à dégainer leur ça ne m’intéresse pas ! Sensiblement ? Certes ! rester assis plusieurs heures à réfléchir, juguler son imagination, affronter les difficultés, accepter de ne pas tout comprendre tout de suite, de ne pas tout retenir tout de suite… la sensibilité rechigne voire résiste. Mais la question n’est pas de savoir si mon corps est subjectivement intéressé ; c’est de savoir si ma raison comprend l’intérêt objectif de cette étude. Pour cela, les élèves doivent apprendre à ne plus trop s’écouter eux-mêmes. D’autre part, les parents doivent renouveler leur confiance dans les enseignants qui ne manqueront pas d’introduire leurs leçons en manifestant l’importance du sujet du jour, ses rapports avec d’autres sujets, ses conséquences, etc. Et si l’intérêt n’apparaît pas immédiatement, il faut aider les élèves à le trouver. Tous ont un rôle à jouer dans la compréhension par les élèves de la grandeur de ce qu’ils étudient.
Tout cela pourrait paraître encore un peu théorique. Voyons donc quelques conditions pour faciliter l’acquisition de la studiosité.
L’environnement. Parce que son intelligence est incarnée, l’homme qui cherche la vérité trouvera un appui précieux dans les conditions extérieures de son travail. D’abord, l’ordre des objets en général. La vie intellectuelle demande une certaine paix de l’âme. Et la paix est la tranquillité de l’ordre. Il est donc bon que les élèves puissent étudier dans des locaux qui soient ordonnés. Le bazar agace, distrait, dissipe. Ensuite, la propreté et la décence de l’environnement. La saleté abîme le regard, gêne le corps, indispose l’âme. Enfin, une certaine beauté sensible est requise pour prédisposer l’homme à la contemplation des beautés intellectuelles. Il est donc bon d’entourer les élèves de belles choses.
Le silence extérieur et intérieur. Si l’étude est « un office divin en reflet », elle demande le silence : pour la vie intellectuelle comme pour la vie intérieure, le silence extérieur est au service du silence intérieur ; la concentration mène à la contemplation. Il y a donc une lutte à mener contre ce vice effroyable qu’est le bavardage. La génération 3.0 a cette mauvaise disposition, acquise au contact des écrans et de ceux qui en dépendent, de toujours dire ce qu’elle ressent dans l’instant même. Babiller ainsi est un manque de courtoisie envers l’enseignant ou envers les camarades qui veulent écouter – ce qui est déjà grave. Surtout, cette logorrhée est un flot dans lequel l’intériorité de l’élève est emportée : fragmentée, son attention s’étiole et rate l’essentiel, la cohérence du propos. À l’étude, les déplacements incessants sous de nombreux prétextes sont autant de bruits et de dispersions destructeurs. Une étude se prépare, se planifie, s’anticipe : on y vient équipé de tout le matériel requis ! Un silence religieux règnera alors en étude. En gardant le silence, les enseignants font leur œuvre d’éducateurs et même de maîtres. Si l’on n’apprend pas dès le plus jeune âge, et de manière exigeante, à être silencieux en classe et en étude, alors c’est un magnifique gâchis qui s’en suivra. La croissance de la vie contemplative des élèves est impossible sans le silence extérieur.
L’aide des tuteurs. Le surveillant, comme le parent qui aide à faire les devoirs, est un tuteur, il accompagne la croissance du disciple. On dit que les élèves doivent apprendre à travailler seuls ; c’est vrai puisque le savoir s’obtient par une activité personnelle. Mais la solitude n’est pas l’isolement. Celui qui se coupe des autres à cause de sa vie intellectuelle trahit l’intention même qui devrait l’animer. À cause de sa faiblesse native, l’homme a besoin du soutien d’autrui pour mener cette vie contemplative. S’isoler revient à refuser les maîtres et l’assistance dont notre raison a besoin. Au contraire, cheminer avec un éducateur, développer avec lui et à sa suite sa vie intellectuelle, c’est le moyen de vivre une réelle charité. Sans familiarité de mauvais aloi, enseignants, parents et élèves peuvent nourrir une amitié. Et si elle est vertueuse, cette amitié rayonnera car le bien est diffusif de soi. Peut-être pourrons-nous alors envisager que les relations entre nos élèves ne soient pas de camaraderie, ni de copinage mais bel et bien des amitiés par excellence fondées sur le roc de la recherche commune de la vérité. C’est aussi cela dont l’étude a besoin et que, dans un échange mystérieux, elle permet en retour : les grandes amitiés.
Cette dimension communautaire, pour ne pas dire sociale, de la vie intellectuelle ne saurait être négligée. En contemplant la vérité, nous serons heureux et nous pourrons rendre notre prochain heureux puisque nous serons pour lui un témoin de la splendeur de la vérité. Puissent nos élèves devenir d’authentiques témoins de la sainteté de l’étude, de la grandeur de l’apprentissage des leçons, de la dignité des travaux intellectuels, bref de la vocation contemplative de l’homme, pour eux-mêmes et pour leurs contemporains ! Qu’il leur soit donné de vivre et de faire découvrir à leur prochain que la vie intellectuelle est ici-bas un avant-goût du bonheur éternel !
Antoine Gazeaud
Professeur de Philosophie